vendredi 9 septembre 2005

Attendre à la fenêtre

Ce soir, j'attendais ma fillette. En regardant par la fenêtre.

Un tas d'attentes me sont revenues d'un coup. Comme un boomerang (me reviennent les jours passés).

Toute petite, il m'arrivait chez ma grand-mère d'attendre le passage de mes parents, le soir, assise sur le petit radiateur carré et bas lorsqu'il était froid, après l'école et avant qu'ils ne rentrent dormir à la maison.

Plus tard, j'ai attendu à la porte d'entrée que ma mère remonte avec le courrier, et je l'appelais sans relâche jusqu'à son retour, criant son nom dans l'escalier.

Quand mes parents se sont séparés, je me suis mise à attendre à la fenêtre. Que ma mère rentre de ses entrevues avec mon père, durant de longues soirées. Que mon père vienne nous chercher, des journées entières à décompter le retard. Et j'oubliais cette attente inquiète dès qu'ils arrivaient.

Et puis, j'ai attendu le retour-éclair de l'amoureux, le guettant pour servir son dîner avant qu'il n'ait fini de garer le bus qu'il conduisait, pour ne pas perdre une seule minute de sa demi-heure de pause.

Plus tard, j'ai attendu la nuit à la fenêtre en espérant son retour, surveillant les voitures... jusqu'à la fois suivante.

Et ces temps-ci, j'attends ma fille, certains jours.

Ca peut sembler sinistre, et pourtant, on apprend toute une vie en regardant dehors.
On reconnait les gens qu'on croise dans la rue, l'homme au dalmatien, les enfants de l'école, la pharmacienne vietnamienne.
Il y a les pies qui nichent sur le toit d'en face, le nouveau type qui est mon vis-à-vis et fait sa prière du soir face à La Mecque, l'appartement vendu du voisin qui montrait son torse d'ébène chaque été (désolée, ma soeur), les plantes fleuries devant les baies vitrées, les fenêtres calfeutrées, le monsieur très âgé qui monte ses courses à pied au dixième étage.
Des visages qui deviennent familiers, jour après jour, des familles qu'on voit s'agrandir, et puis d'autres qu'on ne connaîtra pas.
Les voitures qui passent, qui se garent en double-file, qu'on charge ou décharge, les livraisons de courses, de meubles ou de fenêtres, les déménagements, les travaux dans les appartements, les trottoirs encombrés de bric à brac hétéroclite les veilles du passage de la benne des encombrants.
Et puis au loin, le Parc des Princes qui s'allume et tout au fond, le Mont St Valérien qui se dessine si on regarde bien.

Attendre à la fenêtre, et participer à la vie.



Muchacha asomada a ventana - Salvador Dali

Aucun commentaire: